Des décharges en plein centre-ville de Ouagadougou : A qui la faute ?
Ouagadougou, la capitale burkinabé, ville qui suscitait l’admiration tant par son éclat que par ses activités évènementielles. Aujourd’hui, la ville fait face à un phénomène nouveau : l’émergence de dépotoirs d’ordures spontanés en plein centre-ville. Qu’est ce qui ne marche pas ? Pourquoi maintenant ? Que se passe-t-il à la mairie ? Afin d’avoir des éléments de réponses, nous nous sommes entretenus avec les riverains de la place et la direction chargée de la salubrité publique et de l’hygiène de la commune. Les éléments de réponses dans les lignes ci-dessous.
S’il y a une chose inimaginable il y a quelques années, en plein centre-ville de la capitale burkinabé, c’est bien les décharges à ciel ouvert. Or l’avenue M’Kwamé Khruma, la plus belle avenue de Ouagadougou, celle qui faisait la fierté de bon nombre de Ouagalais se retrouve être une avenue de décoration. En effet, le long de la voie est décoré par des tas d’ordures sous le regard des commerçants riverains et des autorités municipales. Marchant le long de la voie, nous constatons des dépotoirs à des endroits inappropriés. A l’entrée du lycée municipal de Paspanga, c’est encore le même scénario à vue d’œil. A qui donc la faute ? pourquoi personnes ne s’en occupe ? Afin de répondre à ces questions nous nous sommes entretenus avec les commerçants, probables producteurs de ces ordures.
Aucune surprise. Ces derniers ne nient pas être ceux qui déposent ces ordures. Toutefois ils estiment ne pas être responsables de ce spectacle malpropre.
Pour eux, la faute incombe à tout le monde mais plus aux autorités administratives du pays. Ils trouvent cette situation inconfortable et se plaignent de l’inactivité des agents des mairies. Cela fait plus de trois (03) à quatre (04) semaines que les agents de la mairie n’ont pas effectué le déplacement pour le ramassage des ordures. Pourtant les déchets sont en tas ; le vent emporte certains papiers tandis que d’autres lycées transforment les cartons en ballon qu’ils laissent trainer sur la voie. Cependant, à en croire monsieur Saïdou Nassouri, directeur de la salubrité publique et de l’hygiène de la commune de Ouagadougou, il n’est pas de la responsabilité de la mairie de s’occuper des déchets produits par les commerçants dans le centre-ville. « Pour un commerçant, s’il produit des déchets, ce ne pas à la mairie de venir ramasser ces ordures. Il doit s’abonner à un GIE (groupement d’intérêt économique) qui est un prestataire de gestion des déchets qui viendra ramasser les déchets qu’il a collecté pour amener au centre de collecte le plus proche construit par la mairie » a-t-il déclaré avant de renchérir « la commune de Ouagadougou contrairement aux autres pays ne prend pas un copeck de sa population pour gérer les déchets ; et cela rend la tâche plus difficile. C’est-à-dire que la commune de Ouagadougou débourse de l’argent mais il n’y a rien en retour. Normalement cela ne devrait pas être le cas mais la commune avait voulu soutenir sa population. Cependant, une partie de la population n’a pas compris que la gestion des déchets est une affaire de tous et une affaire de mentalité ».
Selon les dires des riverains, la mairie se plaint du manque d’essence dans leurs véhicules pour effectuer les sorties. A cela un riverain qui a préféré garder l’anonymat estime que cette situation ne peut s’avérer être une réalité. « Nous occupons les logements de la mairie et en aucun cas, nous n’avons été exemptés du paiement du loyer à la fin du mois. Que nous fassions un chiffre d’affaire ou pas, la mairie frappe à notre porte à la fin du mois. Qu’elle utilise donc cet argent pour mettre l’essence dans leur véhicule pour nous débarrasser des tas d’ordures » lance-t-il. Pour Maria qui n’a pas voulu nous accorder sa photo, nous fait savoir que les logements dans lesquels les commerçants occupent sont des logements de la mairie ; par conséquent il leur incombe de trouver des poubelles pour les occupants et mieux, la maire doit se charger du ramassage de ces ordures. Pour le directeur chargée de la salubrité publique et de l’hygiène de la commune, payer les logements à la mairie ne rime pas avec le ramassage des ordures. « Il n’a jamais été écrit dans le contrat de bail que la mairie se charge du ramassage des ordures produites par les occupants des logements » précise-t-il.
Pierre Ilboudo est commerçant de sacs d’écolier. Il occupe les logements de la mairie depuis 2002. Pour lui, il n’est pas question de manque d’argent dans le coffre de la mairie ; c’est plutôt un manque de volonté. « Si la mairie insinue qu’elle n’a pas d’argent, c’est parce qu’elle ne veut pas d’argent. Il y’a de l’argent dans le pays ; beaucoup de passagers circulent mal, ne respectent pas les feux tricolores. Pourquoi ne pas réguler la circulation qui serait profitable pour tous et du même coup se faire de l’argent pour alimenter les véhicules en essence pour faire correctement le travail » déclare-t-il. Au moment où nous quittions les lieux, les riverains semblent être décidés à ne rien toucher jusqu’à ce que la mairie réalise fasse son travail car il n’est pas question de continuer à payer et nous débarrasser nous-même des ordures.
Pourquoi maintenant ? Pourquoi un tel renversement de situation ? Le directeur de la salubrité publique et de l’hygiène de la commune de Ouagadougou, Saïdou Nassouri s’explique tout en invitant à comparer les chiffres des années précédentes et ceux d’actuel. Ouagadougou dans les années 2000 était à 24.000 hectares ; aujourd’hui, la commune est à 54.000 hectare. De plus la population était estimée à 1 million ou 1 million cinq cent mille ; actuellement la population est passée à 3 millions d’habitants sans compter les personnes déplacées internes (PDI). Les déchets qui autrefois étaient estimés de 200 à 250 milles tonnes par an sont désormais à 700 milles tonnes, voire plus. L’augmentation de la superficie rend la tâche encore plus compliquée que les années précédentes. Aussi il précise que les villes avec une forte propreté sont dues à la discipline de la population.
En rappel, il faut noter que dans la règle de gestion des ordures, la commune de Ouagadougou a confié la pré collecte aux privés. Ils sont des prestataires privés contractualisant avec la population dans le cadre du ramassage des ordures qu’ils enverront dans un centre proche construit par la mairie appelé centre de collecte et de trie. Ces centres sont au nombre de soixante (60) éparpillés dans les quatre coins de la commune. Des centres de collecte et de trie, la mairie se charge d’acheminer les déchets au grand centre appelé centre de traitement et de valorisation des déchets (CTVD).
Visiblement, tous les acteurs sont remis en cause face à cette situation. Alors les responsables de la direction de la salubrité publique et de l’hygiène invitent la population à plus de responsabilité et à accompagner la commune, afin qu’ensemble ils puissent vaincre la salubrité. « J’invite la population à accompagner la commune de Ouagadougou voire l’Etat afin que nous puissions atteindre nos objectifs. Vaincre la salubrité n’est pas une affaire de la commune de Ouagadougou mais une affaire de toute la population » a laissé entendre Saïdou Nassouri, directeur de la salubrité publique et de l’hygiène de la commune de Ouagadougou.
Fabrice Sandwidi